Le Conseil d’Etat et la lutte contre le réchauffement climatique

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Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision importante en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
En effet, par sa décision n°471782 du 24 juillet 2024, le Conseil d’Etat a confirmé le droit de l’administration de refuser la délivrance d’un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures invoquant un « motif d’intérêt général » lié à la « limitation du réchauffement climatique » et au respect des engagements de la France dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015.

• Rappel des faits et de la procédure (CE, 24 juillet 2024, n°471782)

La société EG Lorraine a déposé une demande de permis exclusif de recherche pour des hydrocarbures liquides ou gazeux. Cette demande a été rejetée.
La société EG Lorraine a contesté cette décision et a obtenu gain de cause le 22 juillet 2020 devant le tribunal administratif de Strasbourg, qui a annulé la décision ministérielle. La Cour administrative d’appel de Nancy a rejeté la requête en appel.
Le Ministre de la transition écologique a formé un pourvoi et, par la décision rendue le 24 juillet 2024, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel et renvoyé l’affaire devant cette dernière.

• La règlementation applicable en matière de permis exclusif de recherche

La décision du Conseil d’État repose sur une réinterprétation des dispositions du Code minier, à la lumière des engagements climatiques de la France.

A cet égard, selon le Code minier, l’objet du permis exclusif de recherche est de conférer à son titulaire l’exclusivité du droit d’effectuer des travaux de recherches et de disposer des produits extraits (L.122-1 du Code minier).
L’article L.161-1 énumère les intérêts protégés, incluant notamment la protection de l’environnement mais sans mentionner explicitement le réchauffement climatique.

Néanmoins, bien que le Code minier ne fasse pas explicitement référence à la lutte contre le réchauffement climatique, cette protection de l’environnement est implicitement incluse dans les objectifs de développement durable et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme en disposent les articles L.100-3 du Code minier et L.110-1 du Code de l’environnement.

D’ailleurs, le Conseil d’État avait déjà reconnu un « objectif d’intérêt général » de limitation du réchauffement climatique dans ses décisions antérieures (n°419316 du 27 juin 2018 et n°421004 du 18 décembre 2019).

La décision du 24 juillet 2024 utilise le terme de « motif d’intérêt général », offrant ainsi une flexibilité accrue et permettant à l’administration de rejeter des demandes de permis exclusif de recherche en raison de l’enjeu de limitation du réchauffement climatique :
« Lorsque l’administration est saisie d’une demande tendant à la délivrance d’un tel permis, elle peut la rejeter en se fondant sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de l’autorisation en cause. S’agissant des permis de recherches d’hydrocarbures, la limitation du réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles constitue un tel motif. »

• L’apport de la décision du Conseil d’Etat

– La consécration du « motif d’intérêt général » relatif à la limitation du réchauffement climatique :

Le Conseil d’Etat a consacré un « motif d’intérêt général » aux termes de sa décision qui s’attache à la limitation du réchauffement climatique, lequel comprend notamment le respect par la France de ses engagements nés de l’accord de Paris de 2015.

Signé en 2015, cet accord international vise à limiter le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Les pays signataires, dont la France, se sont engagés à prendre des mesures pour limiter l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour limiter cette augmentation à 1,5 °C.

La France a renforcé ses politiques environnementales pour respecter ses engagements climatiques, notamment par la transition vers des énergies renouvelables et la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, telles que les hydrocarbures.

– Le refus de l’administration de délivrer un permis exclusif de recherche :

Dans sa décision, le Conseil d’État précise que l’administration peut rejeter une demande de permis exclusif de recherche en se fondant sur les choix de politique énergétique de la France, en lien avec les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015 et les orientations et objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, visant à promouvoir les énergies renouvelables et à réduire les consommations d’énergie fossile.

Cette décision confirme que l’administration peut invoquer un « motif d’intérêt général » pour refuser une demande de permis exclusif de recherche, même si le projet répond par ailleurs aux exigences techniques et financières. Le « motif d’intérêt général » inclut non seulement la limitation du réchauffement climatique mais aussi la promotion des énergies renouvelables et la réduction de la consommation d’énergie fossile.

La décision n°471782 du Conseil d’État représente une étape importante dans la reconnaissance juridique des objectifs climatiques en France. En permettant à l’administration de refuser des permis de recherche d’hydrocarbures sur la base d’un « motif d’intérêt général » lié à la limitation du réchauffement climatique, le Conseil d’État affirme l’importance de la lutte contre le changement climatique dans les décisions administratives. Cette décision ouvre la voie à une intégration plus systématique des engagements climatiques de la France dans l’application du droit administratif et environnemental.

Rédigé par Camille WAUTIER et Ambre LOUPIT

 

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