Viticulteur, je découvre que ma parcelle n’est pas en AOC, que faire ?
Publié le 23 juillet 2024
Droit viticole
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Les AOC sont un véritable outil de valorisation des productions viticoles. Aussi, les viticulteurs y sont généralement très attachés. Depuis plusieurs années, à l’occasion des révisions de cahiers des charges ou de contrôles une problématique est mise en lumière, celle du parcellaire. Il n’est pas rare qu’à l’occasion de ces changements, certains découvrent que certaines de leurs parcelles ne sont finalement pas comprises dans le périmètre de l’AOC.
Que peut donc faire le viticulteur qui découvre que sa parcelle n’est pas dans l’AOC ?
- Qu’est-ce que l’aire AOC ?
L’aire AOC, est définie par un décret puis par un cahier des charges, outre une cartographie.
Ainsi, tous les producteurs situés dans le périmètre défini et produisant dans le respect des conditions du cahier des charges, peuvent prétendre à l’appellation.
Ainsi, le décret désigne les communes pouvant être couvertes par le périmètre de l’aire AOC.
Le cahier des charges fixe des critères « objectifs et rationnels » qui consistent à la fois en des facteurs humains et des facteurs naturels qui façonnent le caractère et la qualité du produit.
C’est le cahier des charges qui précise pour chaque appellation, les critères naturels et humains permettant de délimiter le périmètre.
La cartographie traduit géographiquement l’application des critères sur le territoire.
Les appellations sont régies par le droit de l’Union européenne, leur objet est de protéger les produits et producteurs, contre les usurpations, imitations et autres.
L’appellation constitue ainsi un gage de qualité et d’authenticité des produits.
- Les contrôles et manquements : par qui et comment ?
Pour s’assurer que l’exploitant bénéficiant d’une AOC respecte le cahier des charges de l’appellation, des contrôles peuvent être effectués.
L’organisme certificateur ou d’inspection, agréé par l’INAO et choisi par l’ODG, exerce des contrôles selon un plan d’inspection élaboré avec l’ODG. Ce plan prévoit notamment les modalités de contrôle (méthode, récurrence, point) et les sanctions associées en cas de non-respect du cahier des charges.
Ainsi, les contrôle peuvent prendre différentes formes et s’exercer sur les parcelles de vignes, sur les conditions de production, de transformation ou de conditionnement.
Les sanctions peuvent prévoir des mesures complémentaires permettant d’apprécier l’ampleur des manquements constatés, l’institution de contrôles préalable des produits, la suspension ou le retrait de la possibilité d’utiliser le signe d’identification (AOC ou autres).
C’est au regard du rapport établis par l’organisme d’inspection que le directeur de l’INAO, après avoir mis les viticulteurs en mesure de produire leurs observations, décide des mesures de sanction aux manquements.
Pour le cas où le contrôle conclurait à une partie de parcelle hors du périmètre de l’aire AOC, l’exploitant se voit interdire l’utilisation de l’appellation pour une partie sa production issue de cette parcelle, la sanction consiste alors en un « déclassement » de la surface hors zone.
- Comment régulariser la situation ?
Accepter le déclassement et renoncer à déclarer le vin produit en AOC.
La première possibilité pour le viticulteur est d’accepter le déclassement et de renoncer au bénéfice de l’appellation. Cette solution « simple » n’est jamais choisie ou alors à titre infiniment exceptionnel, par les viticulteurs car elle signifie renoncer à un élément majeur de valorisation de leurs produits.
Contester la sanction et intenter un ou des recours.
La deuxième possibilité consiste à s’opposer à la sanction en réalisant un recours dit gracieux. Il consiste à demander à l’autorité qui a pris la décision de sanction, en l’occurrence le directeur de l’INAO, d’annuler celle-ci. C’est l’occasion pour le viticulteur d’expliquer au directeur de l’INAO pourquoi il n’est pas d’accord avec la ou les mesures de sanction.
A défaut pour le directeur de l’INAO d’annuler sa décision, le viticulteur pourra également intenter un recours contentieux devant la juridiction administrative. Ce recours devra être introduit dans les 2 mois qui suivent la décision de rejet du recours gracieux (que ce rejet soit implicite ou explicite). Il permet à la sanction de ne pas acquérir un caractère définitif.
A l’occasion du recours contentieux, l’illégalité du cahier des charges et/ou de la cartographie peut être soulevé, afin de soutenir que l’exclusion de tout ou partie de la parcelle en cause est illégal.
En parallèle de cette contestation, le viticulteur peut mettre en œuvre la troisième possibilité, car même si le juge administratif annule la sanction cela n’entraine pas automatiquement réintégration du parcellaire dans l’aire AOC.
Contester le périmètre de l’aire AOC et en demander la modification pour y voir intégrer sa parcelle.
Cette troisième possibilité consiste dans un premier temps à contester la décision de déclassement de la parcelle ou partie de parcelle, pour qu’elle n’acquière pas de caractère définitif.
En parallèle, il faut envisager de saisir l’INAO d’une demande de mise en œuvre de la procédure de révision du cahier des charges, pour faire rectifier la cartographie et y intégrer la parcelle ou partie de partie située hors zone.
Il existe une procédure de révision simplifiée du cahier des charges, permettant une limitation à la marge.
Toutefois la qualité des demandeurs à la révision est strictement encadrée et suppose de justifier de la qualité de « groupement de producteurs intéressés » ou, à défaut, de la qualité de « producteur isolé ». Ces deux notions issues de la réglementation européenne ont été définies et précisées par la jurisprudence française.
- Le groupement de producteurs intéressés est associé notamment aux organisations professionnelles et aux organisations de producteur (ex : le syndicat de défense de l’AOC Banyuls et de l’AOC Collioure se sont vu reconnaitre la qualité de groupements de producteurs intéressés (CE, 22 mai 2017, n°397570) de même que l’Union des producteurs et élaborateurs de crémant de Bourgogne (CE, 23 décembre 2011, n°337902)).
- Le producteur isolé est une qualité reconnue à titre assez exceptionnelle et suppose de justifier d’être le seul producteur de la zone géographique considérée et de produire un vin sensiblement différent des zones délimitées environnantes (CE, 8 mars 2023, n°446183).
Pour s’assurer dans la durée du (re)classement de la parcelle ou partie de parcelle en AOC, il est donc primordial de mettre en œuvre ou de faire mettre en œuvre par le juge la procédure de révision afin que l’INAO admettent le changement de façon pérenne.
En pratique, s’engager dans un processus de demande de modification du cahier des charges n’est pas chose aisée, dès lors que cela suppose soit de créer un groupement de producteurs soit d’en mobiliser un.
Il convient aussi d’œuvrer avec les différents acteurs pour faire aboutir la procédure, notamment les unions et syndicats viticoles et les services de l’INAO.
Selon l’aire AOC concernée, la disponibilité ou non de droits à plantations, le prix du foncier, il existe un réel enjeu économique et politique à cette procédure de modification.
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