Licenciement économique : motifs et procédure
Publié le 1 février 2023
Droit des sociétés
Droit des sociétés
Droit des sociétés
Vous souhaiteriez engager une procédure de licenciement économique mais ne savez pas comment procéder ? Peut-être que votre entreprise subit des difficultés économiques, notamment, à cause du récent « mur énergétique » (l’augmentation exponentielle des charges en raison des coûts d’exploitation) ou vous envisagez de supprimer un ou plusieurs postes, ou de réorganiser votre entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ?
Le Code du travail prévoit les conditions permettant à l’employeur de licencier un salarié pour un motif économique. Petit tour d’horizon des différents motifs économiques reconnus et de la procédure de licenciement.
Qu’est-ce qu’un licenciement pour motif économique ?
Contrairement au licenciement pour motif personnel, le licenciement pour motif économique est fondé sur une cause extérieure au salarié. Le motif invoqué par l’employeur doit résulter de difficultés économiques rencontrées par l’entreprise. Ce motif peut également résulter d’innovations ou de mutations technologiques qui obligent l’entreprise à s’adapter.
En cas de contestation du licenciement par le salarié, c’est le juge qui appréciera la réalité et le sérieux du motif économique.
Sur les motifs économiques :
L’employeur peut invoquer différents motifs au soutien d’un licenciement pour motif économique, énumérés par l’article L. 1233-3 du code du travail :
- Des difficultés économiques ;
- Des mutations technologiques ;
- Une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
- La cessation d’activité de l’entreprise.
Sur les difficultés économiques :
Les difficultés économiques s’apprécient à travers :
- La baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires ;
- Des pertes d’exploitations ;
- La dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.
Cette baisse est appréciée par comparaison avec la même période de l’année précédente sur une période dont la durée dépend de l’effectif de la société :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
Sur les mutations technologiques :
Ce critère peut être invoqué au sein d’une entreprise financièrement saine. Il s’agit d’une cause autonome de licenciement pour motif économique.
Ces mutations sont caractérisées par l’introduction d’un procédé de fabrication ou l’acquisition de nouveaux outils nécessitant la mise en place de nouvelles méthodes de travail.
Sur la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise nécessitant une réorganisation :
Ce motif économique n’est pas une cause autonome de licenciement : la réorganisation de l’entreprise doit être invoquée comme étant nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de la société dans son secteur d’activité.
Sur la cessation d’activité :
Cet arrêt doit être total et définitif, indépendant de toute faute ou légèreté blâmable de l’employeur, pour que le licenciement économique ne soit pas jugé abusif (Cass. Soc., 17 mars 2021, n° 19-10.237).
La suppression ou la transformation de l’emploi
En préalable obligatoire à la mise en place d’une procédure de licenciement, le motif invoqué par l’employeur doit avoir pour conséquence de modifier ou supprimer l’emploi du salarié. Le départ du salarié de l’entreprise n’est qu’une conséquence de cette suppression ou transformation de poste. Cette suppression de l’emploi doit être objectivement établie : le départ du salarié ne peut dès lors donner lieu à une embauche concomitante sur un même poste. En revanche, la répartition des missions du salarié licencié à d’autres employés est autorisée.
Dans le cas d’une transformation d’emploi motivée par un contexte concurrentiel nouveau (innovations technologiques, risque de perte de compétitivité pour l’entreprise, etc.), l’employeur ne peut licencier le salarié que s’il n’a pas les compétences requises pour ce nouveau poste.
Quel cadre d’appréciation pour les difficultés économiques ?
Comme le prévoit l’article L. 1233-3 du code du travail, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe.
Il convient dans ce cas de prendre l’entreprise dans son ensemble pour apprécier le motif économique : l’ensemble des établissements et des secteurs d’activité de l’entreprise sera pris en compte dans cette opération.
Si l’entreprise à l’origine du licenciement pour motif économique fait partie d’un groupe de société, ce motif sera apprécié au niveau du secteur d’activité commun à l’entreprise et aux entreprises du groupe établies sur le territoire national.
Les juges se sont néanmoins réservés le cas de la fraude pour élargir le cadre d’appréciation du motif économique ou niveau international.
Comment se déroule une procédure de licenciement économique ?
L’employeur doit procéder de manière individuelle en respectant la procédure de licenciement économique pour chaque salarié.
Cette procédure comportera néanmoins des spécificités selon que le licenciement concerne :
- Moins de 10 salariés sur une période de 30 jours ;
- Au moins 10 salariés sur une période de 30 jours ;
- Et selon que l’entreprise compte plus ou moins de 50 salariés (dans ce cas, les licenciements s’effectueront dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou PSE).
Les étapes communes à toutes les situations :
La détermination d’un ordre de licenciement
Lorsque l’employeur réduit ses effectifs, il doit appliquer un ordre de licenciement en fonction de critères permettant l’attribution de notes aux salariés et définissant un ordre de départs.
Ces critères sont : les charges de famille, l’ancienneté de service, la situation des salariés ou encore leurs qualités professionnelle (article L. 1233-5 du code du travail).
La recherche préalable d’un poste de reclassement
L’employeur doit tenter de rechercher un poste de reclassement pour le salarié concerné par une suppression de poste.
Cette recherche s’effectue dans l’entreprise, sur le territoire national ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, le cas échéant.
Le reclassement s’opère sur un poste de catégorie équivalente, assorti d’une rémunération équivalente. Il peut s’opérer également sur un poste de catégorie inférieure, avec l’accord express du salarié
Le manquement à cette obligation prive le licenciement du salarié concerné de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 19 novembre 2008, n° 07-44.416).
La consultation du Comité Social et Économique (CSE)
Cette consultation s’impose en cas de licenciement économique d’au moins 10 salariés sur 30 jours, dans les entreprises pourvues d’un CSE (de plus de 11 salariés).
Elle s’impose également dans les entreprises de plus de 50 salariés si la mesure de licenciement concerne un salarié protégé.
L’entretien préalable
L’employeur doit convoquer chaque salarié à un entretien préalable de licenciement par une lettre avec accusé de réception, remise au salarié au minimum 5 jours ouvrables avant la date de l’entretien.
Cette lettre contient la date, l’heure et le lieu de l’entretien, le motif économique qui justifie le licenciement du salarié, la possible assistance d’un conseiller extérieur à l’entreprise ou d’un autre salarié, les coordonnées de la mairie ou de l’inspection du travail en l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise.
La proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle ou CSP
Le CSP doit être proposé par toute entreprise de moins de 1.000 salariés recourant au licenciement économique, afin de favoriser son reclassement, en lui permettant de bénéficier d’actions de soutien et d’accompagnement de la part de Pôle Emploi.
Ce CSP est proposé au salarié durant l’entretien préalable, lequel a 21 jours pour l’accepter ou le refuser.
L’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle
En cas d’acceptation, le contrat de travail est rompu 21 jours après l’entretien préalable.
Le salarié bénéficie de 12 mois d’accompagnement renforcé associé à une allocation de sécurisation professionnelle également 75 % de son salaire journalier de référence.
En contrepartie, le salarié ne perçoit pas son préavis qui est directement reversé à pôle Emploi.
La notification du licenciement
En cas de refus ou d’absence de réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur notifie au salarié son licenciement par une lettre recommandée avec accusé de réception, avec un délai minimum de sept jours pour les employés, 15 jours pour les cadres après l’entretien préalable.
Cette lettre doit contenir :
- Les motifs du licenciement ;
- Le droit ouvert au salarié de demander sous 15 jours des précisions sur ces motifs ;
- L’impossibilité de reclassement ;
- La priorité de réembauche ouverte au salarié pendant 12 mois ;
- Le délai de contestation de cette rupture, ouvert pendant 12 mois.
Le cas échant, cette lettre comprendra également :
- Le cas échéant la levée de la clause de non-concurrence ;
- Un rappel du délai restant à courir pour l’acceptation ou le refus du CSP, lorsque cette lettre est émise à titre conservatoire.
Le préavis
Le salarié licencié pour motif économique est tenu de respecter un préavis dont la durée est prévue par la loi ou la convention collective applicable au contrat.
Toute l’employeur peut l’en dispenser expressément. Le salarié en sera également dispensé s’il a accepté le CSP ou fait valoir un congé de reclassement ou un congé de mobilité.
Le salarié peut-il contester son licenciement ?
Un salarié licencié pour motif économique peut contester son licenciement dans un délai de 12 mois et saisir le conseil des prud’hommes, s’il estime que le motif économique n’est pas constitué ou en cas de de vice de procédure.
Vous souhaitez licencier pour motif économique ? Ou l’un de vos salariés conteste son licenciement ? Me Benoît Sevillia, Me Aliénor du Foussat et Me Patricia Franc, avocats spécialisés en droit du travail, vous accompagnent tout au long de la procédure.
Article rédigé avec l’aide de Wassila EZZAOUI, apprentie juriste.
Associés
Univers
Droit des sociétés