Pratiques d’honoraires abusifs : quelles sanctions pour les masseurs-kinésithérapeutes ?

Droit des affaires

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Par décision n°403921 rendue le 21 février 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé dans le cadre d’une procédure initiée par la CPAM de Lille-Douai devant de la Chambre disciplinaire de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, à l’encontre d’un masseur-kinésithérapeute, qui lui reprochait des facturations manifestement excessives, et sollicitait par conséquent, le reversement des honoraires abusifs en application de l’article L. 145-5-2 du code de la sécurité sociale.

La juridiction disciplinaire de premier degré a rejeté la demande de la CPAM,et, la section des assurances sociales du CNMOKsaisie de l’appel de la CPAM, a retenu, eu égard aux nombres d’actes déclarés par ce praticien et à la durée moyenne de soin fixée à trente minutes par la nomenclature générale de l’activité professionnelle (« NGAP »)[1], que l’intéressé avait dispensé des soins dans des conditions ne permettant pas d’en assurer la qualité.

La juridiction d’appel a prononcé à ce titre une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant 90 jours, mais en application de sa jurisprudence constante, dès lors que les actes ont été réalisés, elle a rejeté la demande de remboursement présentée par la CPAM, qui s’est pourvue en cassation.

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat a estimé que la CPAM est fondée à obtenir le remboursement au titre d’honoraires abusifs, aux motifs que la section sociale du CNOMK ne pouvait « écarter le grief tiré de ce qu’un tel comportement était constitutif d’un abus d’honoraires, en se fondant sur le seul motif que la caisse n’avait pas produit une appréciation médicale de la qualité des soins prodigués par » le masseur-kinésithérapeute et « qu’il lui appartenait de déterminer si le nombre global d’actes effectués par l’intéressé au cours d’une même journée révélait la cotation d’actes fictifs ou d’actes effectués dans des conditions telles qu’ils équivalaient à une absence de soins, constitutifs par suite d’un abus d’honoraires pouvant donner lieu à reversement de sa part aux organismes de sécurité sociale ».

Plus précisément, le Conseil d’Etat avait constaté pour la période soumise au contrôle, une durée d’activité théorique supérieure à 15 heures pour 214 journées et supérieure à 23 heures pour 23 journées.

Le Conseil d’Etat vient ainsi mettre un coup d’arrêt à une jurisprudence constante de la section des assurances du CNOMK, par laquelle, la Chambre, si elle sanctionne les masseurs-kinésithérapeutes par l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux, ne les condamne pas pour autant au reversement des honoraires, aux motifs que le professionnel a effectivement pratiqué ces actes et qu’ils ne sont donc pas, par eux-mêmes, abusifs. (voir par exemple ONMK, sect. des assurances soc. du cons. national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes 6 avr. 2017, n° 002-2015 et ONMK, sect. des assurances soc. du cons. national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, 11 févr. 2016, n° 001-2015).

Les masseurs-kinésithérapeutes devront désormais être attentifs quant au nombre d’actes effectivement réalisés (par le kinésithérapeute ou le patient en autonomie) et facturés qui pourront donner lieu, outre l’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux, au reversement par le praticien des sommes perçues aux titres des soins dont le nombre serait supérieur à un plafond, établi dans la présente décision à 30 actes par jour (soit 15 heures de travail effectif).

Dans le cadre de cette décision, le Conseil d’Etat semble se prononcer pour la première fois sur cette question pour les masseurs-kinésithérapeutes, mais elle s’inscrit dans la continuité de jurisprudences similaires rendues pour des infirmièr(es) (voir par exemple Conseil d’État, 4ème – 5ème chambres réunies, 23 novembre 2016, 387988 ou encore CE, 4e – 5e ch. réunies, 8 nov. 2017, n° 398480)

[1] Nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 et arrêté du 10 mai 2007 portant approbation de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes.

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