AGRIVOLTAÏSME : Tous à vos postes, le decret arrive enfin !

Droit viticole

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L’ESSENTIEL :

 

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi dite « APER ») crée un régime juridique pour l’agrivoltaïsme. La loi APER donne pour la première fois une définition des installations agrivoltaïques en fixant des critères légaux ainsi que les conditions que celles-ci doivent remplir (L.314-36 du code de l’énergie).

La loi APER distingue par ailleurs les installations considérées comme agrivoltaïques des installations photovoltaïques compatibles avec une activité agricole, ce qui a pour conséquence la création de deux régimes juridiques distincts.

L’objectif poursuivi est l’accélération de ce mode de production d’énergie renouvelable, à la croisée du monde de l’agriculture et du monde de l’énergie.

Un décret d’application, qui devait initialement être publié en septembre 2023 et dont la publication est désormais prévue pour les mois de décembre 2023 / janvier 2024, explicitera de nombreux points et interrogations de la loi, en précisant les critères et conditions auxquels doivent répondre les installations agrivoltaïques.

Par-dessus tout, ces textes démontrent que le droit rural reste un incontournable dans le développement de l’agrivoltaïsme tant la notion d’installation agrivoltaïque est composée de nombreux concepts juridiques empruntés au droit rural.

 

Le secteur de l’agrivoltaïsme en France connaît une évolution majeure avec l’introduction d’un nouveau cadre juridique avec la loi n°2023-175 du 10 mars 2023. Ce changement législatif apporte des opportunités pour les acteurs de l’industrie solaire et du monde agricole tout en renforçant la protection des droits et obligations des parties prenantes. L’objectif de ce texte est simple : encadrer pour mieux développer l’installation de panneaux solaires en zones agricoles, tout en favorisant et préservant l’activité agricole.

Ainsi, cette loi amorce la création d’un cadre juridique, inexistant jusqu’alors, et qui devrait être prochainement complété par un décret initialement prévu pour septembre 2023 dont la publication est désormais prévue pour les mois de décembre 2023 / janvier 2024.

Étant encore à l’état de projet et malgré des débats importants, plusieurs contours du décret semblent se dessiner.

 

 

I. UNE DÉFINITION DE L’AGRIVOLTAÏSME

 

A. Critères de qualification des installations agrivoltaïques

 

1. Définition positive de l’installation agrivoltaïque

 

En vertu de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie, une installation agrivoltaïque : « est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».

Ainsi, pour répondre à cette définition, il faut que :

  • L’installation ait pour objet la production d’électricité par le soleil ;
  • L’installation soit située sur une parcelle agricole ;
  • L’installation contribue durablement à l’installation ou au développement d’une production agricole.

La loi ajoute[1] qu’est considérée comme agrivoltaïque une installation qui garantit à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique une production agricole significative et un revenu durable, en contribuant à apporter directement à la parcelle au moins l’un des services suivants :

  • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
  • L’adaptation au changement climatique ;
  • La protection contre les aléas ;
  • L’amélioration du bien-être animal.

 

2. Définition négative de l’installation agrivoltaïque

 

À l’inverse, la loi énumère les cas dans lesquels une installation ne peut être considérée comme agrivoltaïque :

  • Lorsque l’installation porte une atteinte substantielle ou limitée à :
  • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
  • L’adaptation au changement climatique ;
  • La protection contre les aléas ;
  • L’amélioration du bien-être animal.
  • Lorsque l’installation ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ;
  • Lorsque l’installation n’est pas réversible.

L’ensemble de ces critères et conditions doivent être précisés dans le cadre du décret d’application de l’article 54 de la loi APER.

En l’état, et en l’absence de telles précisions, les porteurs de projets n’ont que peu de visibilité sur les attentes des autorités et notamment de la Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (ci-après la « CDPENAF »).

 

 

B. Sur la condition de réversibilité

 

1. Le principe de réversibilité

 

La loi du 10 mars 2023 prévoit dans sa définition de l’installation agrivoltaïque qu’une installation ne peut être qualifiée comme telle si celle-ci n’est pas nature réversible.

La réversibilité se définit comme la possibilité de revenir dans la situation initiale qui a précédé la mise en place de l’installation agrivoltaïque.

Cette notion de réversibilité est étroitement liée à la durée de l’exploitation de l’installation (2) ainsi qu’au démantèlement et à la remise en état du terrain exploité (3).

 

2. La durée d’une installation agrivoltaïque

La loi APER prévoit que les autorisations d’exploiter ne courent que pour une durée limitée, sous condition de démantèlement et, comme susvisé, avec une garantie de réversibilité.

En l’état, le projet de décret avance une durée limite de quarante ans, potentiellement renouvelable par tranche de deux ans, par voie d’autorisation d’urbanisme.

 

3. Démantèlement et remise en état

Le régime actuel dispose que le propriétaire du fonds est tenu de démanteler et remettre en état dans les cas suivants :

  • L’ouvrage n’est plus exploité ;
  • L’ouvrage n’est plus compatible avec l’activité agricole ;
  • À l’issue d’une durée définie par voie réglementaire.

Le projet de décret ajoute que le démantèlement comprend une remise en état complète du terrain, avec notamment l’excavation des tranchées et installations sous terrains (câbles) et le recyclage des modules et déchets.

Les opérations de démantèlement devront durer 1 an au maximum, avec néanmoins une possibilité de prorogation de 3 ans sur avis conforme de la CDEPNAF.

 

C. Sur la procédure d’instruction administrative des installations agrivoltaïques

Le projet de décret détermine la procédure d’instruction des installations agrivoltaïques, avec des rôles clairement définis.

 

1. La demande de permis de construire au préfet

 

Le préfet est l’autorité administrative compétente pour la délivrance d’un permis de construire d’une installation agrivoltaïque, tout comme le permis de détruire. Il se prononce également sur les déclarations préalables faites auprès des communes.

Le dossier de permis de construire devra comporter :

  • Un document relatif à la consommation d’espace naturel et forestier ;
  • Une description de la parcelle agricole ;
  • Des informations attestant que l’activité principale est agricole ;
  • Des informations assurant de la production agricole significative et assurant des revenus durables à l’exploitation ;
  • Un certificat d’agriculteur actif ;
  • La constitution de garanties financières couvrant les opérations de démantèlement et la remise en état du site.

 

2. L’obligation d’information du maire

 

Le préfet communique impérativement la demande de permis au maire ou président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Il est compétent en matière d’autorisation préalable, un régime moins contraignant que le permis de construire. Cette demande devra comporter :

  • Des précisions sur la garantie d’une production significative et un revenu durable pour l’agriculteur ;
  • Un document relatif à la consommation d’espace naturel et forestier ;
  • Un état des lieux au moment de la demande, faisant état des constructions, du biotope et d’éléments paysagers ;
  • La constitution de garanties financières couvrant les opérations de démantèlement et de la remise en état du site.

 

3. Une étude préalable agricole

 

Les projets d’installations agrivoltaïques sont soumis au régime de l’étude préalable prévue à l’article L. 112-1-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime.

Cette étude vise notamment à fournir « une description du projet, une analyse de l’état initial de l’économie agricole du territoire concerné, l’étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l’économie agricole du territoire ».

 

4. Procédure d’évaluation environnementale :

 

Si le projet a une puissance supérieure à 300 kWc, l’évaluation environnementale est obligatoire si le projet est au sol.

Si le projet est sur serres ou ombrières, l’examen se fait au cas par cas.

En effet, l’annexe de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement prévoit ce qui suit :

Au-delà de la procédure d’évaluation environnementale, la mise en œuvre d’autres procédures peuvent s’avérer nécessaires :

  • Si le projet a une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques, il sera nécessaire de faire une déclaration ou demander une autorisation au titre de la réglementation dite « IOTA » (L. 214-1 et R.214-1 du code de l’environnement).

Une installation photovoltaïque peut notamment entraîner des conséquences sur l’écoulement des eaux ;

  • Si le projet a une incidence sur les espèces protégées, il sera nécessaire de solliciter une dérogation « espèces protégées » (article L. 411-2 du code de l’environnement) ;

 

 

II. LES PRECISIONS ATTENDUES ET A VENIR DU DECRET D’APPLICATION

Le projet de décret précise de nombreux points encore non détaillés par la loi du 10 mars 2023.

 

A. Définition de la notion de parcelle agricole

 

Condition essentielle à l’installation agrivoltaïque, la parcelle agricole est définie par le projet de décret comme « une surface agricole continue, supérieure ou égale à un are, présentant les mêmes caractéristiques ».

 

B. Définition de la notion d’agriculteur

 

Pour l’installation agrivoltaïque, les services apportés à la parcelle devront bénéficier soit à un agriculteur actif, soit à une exploitation agricole à vocation pédagogique. Dans les deux cas, l’installation doit garantir une production agricole significative et un revenu durable.

La notion d’agriculteur actif est assez récente, complexe et susceptible d’évolutions (article D. 614-1 et suivants du Code Rural et de la Pêche Maritime). Elle permet notamment l’accès aux aides PAC, qui imbrique des notions de droit rural, de droit social et de droit des sociétés.

 

C. Des précisions sur le service que doit rendre l’installation agricole

 

Le projet de décret précisera le contenu des quatre services fixés à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie que l’installation agrivoltaïque doit apporter directement à la parcelle agricole :

  • L’amélioration du potentiel au changement climatique :
    • C’est-à-dire l’amélioration des qualités agronomiques du sol, l’augmentation ou le maintien des rendements de production agricole. Les indicateurs seront précisés par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture ;
  • L’adaptation au changement climatique :
    • Avec la limitation des effets du changement climatique en augmentant les rendements ou en les maintenant, voire en réduisant une baisse tendancielle sectorielle, ou une amélioration qualitative des productions ;
    • L’appréciation se fera selon différents critères d’impacts thermique, hydrique, radiatif…
  • La protection contre les aléas :
    • Il s’agit de la protection par le module agrivoltaïque contre les évènements météorologiques. La protection doit au moins assurer contre un évènement ponctuel et exogène à la conduite de l’exploitation, faisant peser un risque sur l’exploitation.
  • L’amélioration du bien-être animal :
    • Principalement l’amélioration du confort thermique pour le bétail ;
    • Mesurable par une diminution des températures sous les modules photovoltaïques et l’apport de services aux animaux.

Le projet précise également la condition de la garantie d’une production agricole significative et d’un revenu durable, à savoir :

  • Zone témoin de 5% dépourvue de module ;
  • L’aspect significatif de la production agricole ;
  • Lorsque la moyenne des revenus des ventes des produits agricoles n’est pas inférieure à la situation avant l’installation. Une baisse significative peut-être acceptée par le préfet en cas d’évènement imprévisible ;
  • La définition de la participation de l’agriculteur au capital de la société de projet, qui veut qu’il soit informé des mouvements de capitaux au sein de la société exploitante des modules agrivoltaïques.

Enfin, le décret détermine que l’activité agricole doit rester l’activité principale de la parcelle agricole :

  • En l’état, le taux d’emprise au sol des modules ne doit pas excéder 40% de la parcelle agricole ;
  • La superficie non exploitable à cause des modules ne doit pas dépasser 10% de la superficie totale de l’emprise ;
  • Les modules doivent assurer la bonne exploitation du fond (passage de tracteurs, sécurité, etc.).

 

 

 

III. UN CADRE REGLEMENTAIRE A L’ESPRIT RURALISTE

 

A. De nombreuses notions empruntées au droit rural

 

La notion d’agrivoltaïsme telle que définie par la loi APER est composée de multiples notions importantes et techniques empruntées au droit rural (parcelle agricole, agriculteur actif, activité agricole, étude préalable agricole…).

Les projets agrivoltaïques doivent s’opérer dans le strict respect de la réglementation fixée par le droit rural (V. de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie), et notamment :

  • du statut du fermage : statut créé en 1946 ayant pour objectif principal d’étendre les droits du locataire sur les terres qu’il exploite au détriment du propriétaire.

Un régime dérogatoire puissant, d’ordre public et contraignant, qu’il convient de respecter avec précaution.

Sans oublier, les missions des Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (SAFER) : sociétés commerciales qui sont investies de missions de service public. Elles interviennent à la restructuration des exploitations agricoles et à l’installation des agriculteurs, aux actions en faveur du développement local, de la protection de l’environnement, ou encore de la mise en valeur des espaces naturels.

 

B. Le montage juridique des projets : vers un bail agrivoltaïque ?

 

La création d’un bail agrivoltaïque pourrait être un outil adapté aux relations habituelles entre bailleur et fermier, aux enjeux agricoles contemporains, dans le strict respect du statut complexe du fermage, et sans modification substantielle de celui-ci.

La situation actuelle est complexe avec l’utilisation et la superposition de baux, peu en adéquation avec les besoins de cette filière. Ce bail simplifierait les montages contractuels en évitant la superposition, sur les mêmes terres, de baux emphytéotiques, baux ruraux, et prêts à usage gratuit.

Toutefois, la proposition d’amendement ayant pour objet la création du bail agrivoltaïque au sein de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 a pour l’instant été écartée.

Il s’agit d’une création qu’il conviendra peut être de reprogrammer afin de faciliter les montages contractuels de ce type de projets.

 

L’Equipe DROUOT AVOCATS ENERGIES

  • Me Bernard MANDEVILLE – Avocat à la Cour (Spécialiste en Droit rural)
  • Me Matthieu PERRIN – Avocat à la Cour
  • Augustin MALBREL – Juriste Drouot Avocats

[1] Art. L. 314-36 du Code de l’énergie

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